L'éclairage virtuel 3D via Cinema 4D R15
Nous allons étudier en détail la mise au point d'un éclairage 3D pour la mise en lumière d'un objet industriel. Les rendus 3D (ici via le moteur de rendu avancé de Maxon Cinéma 4D) excellent dans les rendus de matières photoréalistes manufacturées telles que : l'aluminium, les aciers, les peintures, les céramiques, les verres, et bien d'autres !
Nous ne travaillerons pas sur le fond que l'on va laisser noir. Les matières de l'objet sont de 2 types :
- matières plastiques,
- et acier.
L'interface Cinema 4D :
Vous pouvez voir sur la capture d'écran dans le gestionnaire d'objets à droite :
- un objet 3D,
- 10 objets "lumières" dont 7 omnidirectionnelles et 3 éclairages de surface,
- un ciel pour l'éclairage "IG" illumination Globale,
- un arrière plan noir.
A noter : il n'y a pas d'environnement panoramique "HDRI". Tout est synthétisé et calculé par le logiciel avec un éclairage ambiant uniforme..
Les paramètres de rendu sont fixés en "moteur de rendu complet" ainsi que "Illumination Globale" cochée et que nous expliciterons à la fin.
Les matériaux :
Seule la matière qui compose l'acier, le corps principal de l'objet est un peu complexe. Il s'agit des 3 matériaux (chrome, alu et alu sombre) amenant un peu de diversité. Ils sont configurés sur la base du shader de "Chrome" détaillé ci dessous :
Dans le canal "Spécularité" le mode retenu est "Métal" un mode qui demande une grande intensité de lumière, beaucoup plus que le mode "Plastique" par défaut. Les rebonds de lumière sont à 100% en hauteur. La matière est donc extrêmement brillante par opposition à une matière matte.
Afin de simuler les réflexions sur la matière nous utiliserons ici la technique du dégradé, dans le canal environnement. A noter qu'il est très diffus et évite d'utiliser le canal réflexion, que les novices paramètrent avec de la dispersion : beaucoup plus gourmand en temps de rendu et en ressources processeur.
Dans les paramètres de rendu "moteur de rendu complet" nous allons chercher l’effet : "Occlusion ambiante". Cette occlusion ambiante est distribuée sur l’ensemble des matériaux de notre scène. Traditionnellement on insère les paramètres d'occlusion ambiante dans le canal de diffusion. Cela permet de cibler très exactement matériau par matériau, les parties de l'objet qui doivent être soulignées par l'occlusion ambiante, sans que celle-ci soit globale à l'ensemble de la scène.
Le canal couleur reste en gris neutre mais sera de toute façon largement "écrasé" par l'ensemble des autres canaux, dont le canal d'environnement avec son dégradé.
La matière de l'objet en acier et légèrement granuleuse, nous avons donc placé un très léger bruit dans le canal relief, l’intensité est faible : 1,5 %.
Grâce à ce bruit, la lumière va "s'accrocher" à la matière, et donc apporter un peu de vie et de réalisme à la matière de l'acier froid et dur.
Le travail de calage des lumières ne peut se faire indépendamment du travail de réglage des matériaux. Les deux étant liés, certaines matières "accrochant" plus ou moins la lumière ; de manière générale on crée des matériaux contenant simplement de la couleur et de la spécularité, puis on crée son environnement lumineux, enfin on approfondie les matériaux pour finaliser le rendu ; il est important de bien comprendre que l’on fait les lumières ENSUITE on s’occupe des matières.
Avec l'habitude, l'œil et le savoir-faire du graphiste va prendre le pas sur la technologie ou sur l'outil. C'est un travail au quotidien.
L'éclairage :
Imaginons une scène de théâtre : ce sera l'espace du "viewport" justement appelé "la scène" dans C4D.
La méthode
Un éclairagiste qui va réaliser la lumière sur une scène de théâtre va tout d'abord faire l'obscurité totale. Puis petit à petit, par touche, il va rajouter une à une et construire ses lumières.
Je vous propose de suivre la même méthode pour notre éclairage numérique. Bien entendu d'autres méthodes sont possibles.
L'objectif
L'éclairage va "modeler", "dessiner" l'objet tout aussi bien que la modélisation polygonale que vous aurez préalablement réalisée. Gardez en tête que l'éclairage est un savoir faire mais c'est aussi un point de vue subjectif ! A chacun donc d'apporter son œil et sa touche "artistique" pour mettre en avant les formes et contours.
Nous allons éclairer l'objet par rapport à une caméra fixe et définie.
Les réglages d'éclairage numérique pour une caméra en mouvement ne seront pas les mêmes car la caméra doit pouvoir se mouvoir autour de l'objet, tout en conservant un éclairage cohérent : par exemple, voici ce que donne notre "bon" réglage finalisé pour le point de vue opposé, et non celui défini à l'avance :
"Mauvais" point de vue opposé (dans l'ombre)
Crédits photo : Alexandre Chamelat
Retrouvez le travail photographique d'Alexandre Chamelat sur son site web : http://alexandrechamelat.fr/
Un éclairage numérique réussi = plusieurs sources lumineuses :
Dernier préambule avant de nous lancer dans l'éclairage 3D (ou éclairage numérique) : éclairer un objet ou plus encore un espace, ce n'est pas simplement tourner l'interrupteur, allumer la lumière ou ouvrir les volets comme dans la vie de tous les jours. Un éclairage artificiel, comme dans cette photo d'Alexandre Chamelat, ou un éclairage naturel (extérieur jour, avec le soleil), sous-entendent une infinie complexité des valeurs lumineuses et de leur répartition dans l'espace, soit une très large gamme de "niveau de gris" (ou de tons) allant de l'ombre à la lumière !
C'est ce qui va faire la richesse d'une image de synthèse, sa parité avec le photoréalisme. Car aujourd'hui, si ce n'est de faire confiance à l'auteur de l'image, qui nous dit que l'image que nous regardons est une photo tirée de la réalité plutôt qu'une création à 100% de synthèse ?
Dans la "réalité" même avec une seule source de lumière comme le soleil, ou une bougie, les rebonds de lumières, diffractions, réfractions, spécularités, et beaucoup d'autres phénomènes physiques, rendent la reproduction (synthèse) de cette éclairage infiniment complexe. En image de synthèse tout ou partie de ces phénomènes physiques de la répartition de la lumière seront calculés par des algorithmes qui modéliseront par exemple l'inter-réflexion diffuse.
A l'inverse une image 3D correctement éclairée et bien composée ne peut se réduire à une seule source de lumière numérique. La seule technique de l'Illumination Globale (IG) ne permet pas d'éclairer avec une source unique, comme nous allons le voir.
L'équation à retenir est celle-ci :
a - dans la réalité = même une source lumineuse soleil, bougie = une grande variété de tons et de compositions
b - en synthèse = une source lumineuse spot ou omnidirectionnel ou ciel (IG) = très faible variété de tons et de compositions
I - L'éclairage "par défaut" :
Avant que l'on place un objet lumière ou un spot dans une "scène" 3D, le logiciel assure le minimum syndical ;-) C'est à dire qu'il place par défaut une lumière non matérialisée (pas d'objet lumière dans le gestionnaire d'objet) : le seul moyen de diriger cette lumière c'est par l'intermédiaire de la "track ball" : menu "Options / Eclairage par défaut ..."
Les paramètres d'intensité, de couleur, d'ombre, etc. ne sont pas accessibles. L'éclairage par défaut va servir à modéliser son objet 3D ou sa scène, avant d'en construire l'éclairage. C'est un éclairage insuffisant purement utilitaire.
Cet éclairage évite d'arriver dans un vide lumineux, une scène toute noire, sans un minimum de lumière vitale ! D'ailleurs cette lumière "par défaut" va disparaître automatiquement dès la création du premier objet lumière.
Dans l'image ci-dessus, nous voyons très bien que cette éclairage n'est pas du tout efficace sur des matériaux dont la spécularité est en mode "métal". L'image est toute noire, nous distinguons à peine la forme de l'objet. Dans ce cas précis comme dans beaucoup d'autres l'éclairage "par défaut" seul est insuffisant.
II - L'éclairage principal IG :
Dans notre projet final d'éclairage nous utiliseront 10 lumières plus un ciel blanc (255, 255, 255) qui générera l'Illumination Globale.
10 objets lumières
L' interaction des différentes lumières est représentée ici par plusieurs cercles autour de l'objet ; les astérisques/points représentent la position des sources de lumière.
L'illumination globale : ces techniques sont aussi appelé "radiosité", "beam tracing", "cone tracing", "path tracing", "photon mapping" : l'IG regroupe une combinaison de différents algorithmes qui modélisent l'inter-réflexion diffuse ainsi que la réflexion spéculaire (à l'exclusion de la radiance). L'IG est devenu tellement générique que ça exprime l'éclairage réaliste avec diffusion de la lumière par rebond. Ces algorithmes vont calculer des trajectoires et des rebonds de milliers voir de millions de rayons de lumières pour émuler aux mieux la réalité d'un éclairage et le rebond des photons sur la matière ... Bref c'est un processus très complexe et surtout très coûteux en temps de rendu, le résultat d'un long calcul qui va solliciter fortement le processeur, voir le mettre à genoux si vous poussez trop les réglages !
Un éclairage doux et bien réparti
Pour faire simple dans notre exemple nous allons utiliser un ciel en blanc qui va jouer le rôle d'un diffuseur uniforme de lumière afin d'obtenir un éclairage diffus et global. L'objet 3D placé au centre de l'univers (0,0,0) va également se trouver au centre de la sphère "Ciel" et va donc être éclairé par une lumière douce uniforme venant des multiples points de la sphère. C'est un concept purement "virtuel" qui n'a pas d'équivalent réel sur 360°.
Ce type d'éclairage est un premier pas vers un éclairage réaliste de type studio, ou extérieur jour.
Voici ce que donne l'éclairage avec un ciel en IG :
Les contours sont bien dessinés, les différentes matières commencent à se distinguer mais aucun parti pris ne se dégage, aucune intention domine : rien n'est mis en valeur. L'éclairage reste "plat" et sans vie.
Allons plus loin !
III - Eclairage de "contre"
Commençons par faire ressortir l'objet de l'arrière plan.
Plaçons une lumière de type "éclairage de surface" à l'arrière de l'objet et en hauteur (la lumière du soleil vient toujours du haut, et c'est également presque toujours le cas des lumières artificielles, tout simplement parce qu'il est dur de passer à travers le sol ;-).
En bas de l'image vous voyez la position de la caméra. La flèche blanche indique la direction de la lumière.
Le type éclairage de surface permet une lumière très directionnelle et adoucie, comme si la lumière du jour entrait par une fenêtre dans une pièce.
Cette lumière, qui éclaire par l'arrière l'objet, permet de détacher les contours de l'objet et de souligner les grandes lignes de force qui le dessinent. Certains biseaux apparaissent mieux.
Nous pourrions accentuer cet effet avec une lumière encore plus "rasante" et "détourante" mais l'objectif ici n'est pas d'appuyer le côté "dramatique" de l'éclairage mais seulement de dessiner mieux l'objet.
IV - Eclairage de "face"
Toujours à l'aide d'une lumière de type "éclairage de surface", placée face à l'objet, nous allons maintenant éclairer l'objet de manière frontale. Ou presque. Car vous remarquerez que nous avons légèrement décalé la source lumineuse de façon à avoir un éclairage qui ne soit pas totalement frontal : la source de lumière se devine mais ne prend pas le pas sur les autres sources.
La partie "avant" de l'objet étant maintenant éclairée, continuons à révéler l'objet et ses matières, à le faire sortir de l'ombre…
V - Eclairage "Gauche"
A l'aide d'une lumière de type « omni », nous allons éclairer la partie latérale avec un éclairage qui va se confondre avec le point de vue caméra, un peu comme si c'était la caméra qui éclairait l'objet.
Cette dernière source d'éclairage complète une base d'éclairage dite "éclairage 3 points".
Sur l'image ci-dessus vous pouvez voir que certaines formes se détachent, l'œil comprend mieux le relief grâce aux différentes tonalités : par exemple à l'intérieur du contour rouge on voit très bien une face qui se détache d'une autre, ce qui n'était pas le cas avant ! La texture "acier" commence à être crédible.
Comme nous utilisons une texture en mode "métal" dans le canal de spécularité, la texture encaisse très bien un bon nombre de sources lumineuses, sans être surexposée ou "brûlée" dans les blancs.
VI - Eclairage depuis le "sol"
Un éclairage que beaucoup oublient : l'éclairage du dessous des objets.
Il va s'agir ici de reproduire l'éclairage incident venant du sol. Incident car effectivement la lumière du soleil, ou la lumière artificielle vient du haut mais elle "rebondit" sur le sol, et vient donc éclairer les objets "par dessous".
Evidemment plus le sol absorbera la lumière, moins cet éclairage sera présent. Cependant, pensez à "déboucher" vos ombres avec cet éclairage complémentaire.
Bien sûr dans le cas présent l'objet est déjà éclairé par dessous via l'IG du ciel.
Notez que l'objet n'est pas posé sur un sol. Volontairement nous ne traiterons pas des ombres ici.
Seules les ombres portées par l'objet lui-même apparaissent, renforcées par l’effet d’ "Occlusion ambiante" des matériaux. Elles sont produites par l'objet lumière "principale" placé en haut à la perpendiculaire et légèrement à l'arrière de l'objet pour que les ombres tombent à l'aplomb de celui-ci.
Si l'objet avait été posé sur un sol, le rebond de la lumière au sol (radiance) en mode IG, aurait également contribué à déboucher les ombres, avec un éclairage par dessous. La lumière "contre" par dessous ne joue que le rôle d'amplificateur dans ce cas là.
VII - Eclairage via plusieurs spots individuels localisés
Attention en dehors du mode IG le logiciel ne calcule pas les radiances et rebonds. Il faut donc impérativement simuler les rebonds de lumière avec encore plus de sources lumineuses ! Pour terminer sur cet éclairage, il va être utile d'utiliser quelques spots supplémentaires qui vont venir "déboucher" des éléments et/ou des textures encore un peu sombres.
Premier exemple : le cache en plastique noir n'est pas suffisamment mis en valeur par l'éclairage actuel :
On va donc rajouter un spot de type "omnidirectionnel" qui va venir rajouter une lumière directe sur ce cache et créer un dégradé de couleurs.
Et voici le résultat : le cache en plastique noir acquière une granulosité et accroche la lumière, des points de lumière ("ping") viennent également renforcer et dessiner sa face avant.
Les objets entièrement noirs (ou entièrement blancs) situés aux extrêmes des nuances de gris sont plus difficiles à éclairer que d'autres matières ou d'autres couleurs.
Le débutant se retrouvera souvent confronté à des noirs absolument charbonneux ou des blancs brûlés (surexposés). On retrouve ici les mêmes apprentissages que l'apprenti photographe ou l'apprenti éclairagiste : comment "déboucher" une zone d'ombre sans brûler les zones déjà éclairées.
4 lumières « omni » (omni-directionnelles) supplémentaires vont également être utilisés pour densifier notre éclairage général, et rajouter des points d'éclairages ponctuels ("ping").
C'est ce qui fera la richesse de votre image, les multiples éclairages amenant une variété de dégradés qu'une source de lumière unique ne vous apportera pas.
Au final nous obtenons un éclairage à la fois puissant et nuancé. Rien de froid, rien de tranchant mais un granité doux, rassurant et high-tech, malgré des textures métalliques et industrielles.
Paramètres de rendu
Le moteur de rendu avancé de Cinema4D permet aujourd'hui d'aller très loin dans le rendu photo-réaliste, jusqu'à synthétiser des rendus "physiques", qui sont des rendus très poussés par "lancés de rayons" et calculs de rebonds des "particules" de lumière (Photons). Pour les paramètres de rendu "Illumination Globale" et "Occlusion ambiante" pour l'ensemble de l'image, voici nos réglages :
Je ne me lancerai pas dans l'explication en détail de ces paramètres, nous restons ici dans une démonstration plus graphique que technique. Ces paramètres sont infiniment complexes à comprendre et à maitriser, ce d'autant plus que vous voudrez en avoir une parfaite maîtrise technique. Il vous faudra du temps et beaucoup de patience pour explorer l'ensemble de tous ces réglages, et encore plus pour les tester tous ! Notons qu’avec l’évolution des logiciels de 3d, ces paramètres ont tendance à être automatisés, ainsi les paramètres d’IG sont maintenant paramétrables via un onglet, qui peut être configuré en mode qualité : basse, moyenne, haute. Une simplification du paramétrage, pour le plus grand bonheur des graphistes qui les utilisent ! ;-)
Image post produite dans Photoshop.
EN CONCLUSION
J'espère vous avoir montré que le travail de l'éclairage, même sur un seul objet, demande un savoir-faire technique, lié au logiciel C4D, mais également un sens, une sensibilité, une attention particulière à la lumière, liée elle à une grammaire et à un sens de l'image.
Avant tout demandez-vous pourquoi vous placez un spot ou un éclairage ici ou là ... le reste découlera de l'évidence.
Il est bon de déboulonner l'idée que l'éclairage numérique c'est juste "appuyer sur un bouton", c'est facile, c'est automatique ou que la machine sait faire. C'est beaucoup plus complexe que ça !
L'éclairage numérique est un métier et très souvent une passion, comme peut l'être le métier de "chef opérateur" dans le milieu de la prise de vu photo ou cinema.
Remerciements et crédits
Illustrations 3D : 3DWeave SARL tous droits réservés : http://www.3dweave.com
Logiciel de 3D : Cinema4D Maxon™
Rédaction : Fabrice Escalier; préparation de la scène 3D : Gregory Kerriou; relecture : Gregory Kerriou, Cynthia Bossart, Gaétan Langlois. Mise en ligne : Stéphane Anquetil.
Licence Creative Common : http://creativecommons.org/
Ce tutoriel est aussi disponible en téléchargement en PDF [2,2 Mo] : initiation à l'éclairage virtuel 3D.